Par Thomas Villemin — ARTISTE — 08/01/2021
Portrait — Masha
Téléphone tenu à la main en mode « selfie » et regard tourné vers le miroir, Masha nous invite dans un travail introspectif. En ces temps de confinements où l’incertitude est omniprésente la question du « soi » dans notre monde contemporain et face à la crise de la COVID-19 tend à se complexifier. Comment se percevoir dans la contrainte de l'isolement et face à l'absence de nouvelles perspectives ? C’est alors en archéologue de sa propre perception identitaire que va se positionner Masha, à la recherche de points d’ancrages et de référencements.
Lors de ses « fouilles », son attention est irrémédiablement attirée sur une toile accrochée dans sa maison de Casablanca. Ce tableau lui est familier, elle l’a parcouru du regard des centaines de fois, l’a scrutée et s’y est projeté. Il s’agit de l’œuvre de Yasmine Hadni. Cette artiste originaire de Rabat et basé à Chicago, fut récemment présenté à l’exposition « Back to the roots ». Masha y trouve l’introspection d’une artiste femme qui couche sur le papier / la toile des parcelles de souvenirs plus ou moins certains, qui lui permette d’y apposer un regard plus neutre afin de se positionner artistiquement et humainement. En reprenant le tableau de Yasmine, Masha procède ainsi à une certaine « mise en abyme ».
Le fait de se jouer du processus photographique, de l’emmener vers la peinture lui permet d’adopter un autre mode de figuration. Elle réactive la rupture entre une figuration idéalisée propre au kanon de l’art classique et une figuration qui laisse place à la perception et au sens introduit au XXe siècle par le modernisme. Plus que ça, elle donne une autre temporalité à la photographie, plus muable.
Cette nouvelle temporalité assignée au médium, se traduit également dans la représentation du corps. En employant l’art du transformisme, Masha s’inscrit dans la lignée d’artistes « queer » tel Leigh Bowery ou encore Cindy Sherman. Elle brime son visage, joue avec des codes esthétiques et rend sa fluidité au corps. Par la même occasion, elle capture en un instant la projection des images de nos héritages et de nos appartenances sur nos recherches intérieures. Cette instantanéité, pierre angulaire du réseau social, est ici détournée. Elle montre que notre construction n’est pas figée et va au-delà de ce que l’on voudrait montrer de « soi ». En d’autres termes, elle enlève le filtre « embellissant », « instagramable » et met en exergue son intériorité.
Ainsi en découvrant cette photographie j’ai pu ressentir le déchainement intérieur de Masha, son besoin d’identification pour accéder à son émancipation.
Par Thomas Villemin — ARTISTE — 08/01/2021
Portrait — Masha
Téléphone tenu à la main en mode « selfie » et regard tourné vers le miroir, Masha nous invite dans un travail introspectif. En ces temps de confinements où l’incertitude est omniprésente la question du « soi » dans notre monde contemporain et face à la crise de la COVID-19 tend à se complexifier. Comment se percevoir dans la contrainte de l'isolement et face à l'absence de nouvelles perspectives ? C’est alors en archéologue de sa propre perception identitaire que va se positionner Masha, à la recherche de points d’ancrages et de référencements.
Lors de ses « fouilles », son attention est irrémédiablement attirée sur une toile accrochée dans sa maison de Casablanca. Ce tableau lui est familier, elle l’a parcouru du regard des centaines de fois, l’a scrutée et s’y est projeté. Il s’agit de l’œuvre de Yasmine Hadni. Cette artiste originaire de Rabat et basé à Chicago, fut récemment présenté à l’exposition « Back to the roots ». Masha y trouve l’introspection d’une artiste femme qui couche sur le papier / la toile des parcelles de souvenirs plus ou moins certains, qui lui permette d’y apposer un regard plus neutre afin de se positionner artistiquement et humainement. En reprenant le tableau de Yasmine, Masha procède ainsi à une certaine « mise en abyme ».
Le fait de se jouer du processus photographique, de l’emmener vers la peinture lui permet d’adopter un autre mode de figuration. Elle réactive la rupture entre une figuration idéalisée propre au kanon de l’art classique et une figuration qui laisse place à la perception et au sens introduit au XXe siècle par le modernisme. Plus que ça, elle donne une autre temporalité à la photographie, plus muable.
Cette nouvelle temporalité assignée au médium, se traduit également dans la représentation du corps. En employant l’art du transformisme, Masha s’inscrit dans la lignée d’artistes « queer » tel Leigh Bowery ou encore Cindy Sherman. Elle brime son visage, joue avec des codes esthétiques et rend sa fluidité au corps. Par la même occasion, elle capture en un instant la projection des images de nos héritages et de nos appartenances sur nos recherches intérieures. Cette instantanéité, pierre angulaire du réseau social, est ici détournée. Elle montre que notre construction n’est pas figée et va au-delà de ce que l’on voudrait montrer de « soi ». En d’autres termes, elle enlève le filtre « embellissant », « instagramable » et met en exergue son intériorité.
Ainsi en découvrant cette photographie j’ai pu ressentir le déchainement intérieur de Masha, son besoin d’identification pour accéder à son émancipation.